Recadrage nécessaire sur l’article de Elle me citant: « Six conseils pour assurer son équilibre dans cette crise sanitaire sans fin »

Toujours gênant de ne pas reconnaitre ses propres paroles à côté de son nom. D’autant plus lorsque l’article, initialement paru dans Elle.fr le 26 novembre 2021, est également relayé dans la journée par d’autres média en ligne: mns, laptrinhx.com Suisse et vnexplorer.net (pour verified news explorer network). Un recadrage s’impose.

Je suis contactée pour répondre à quelques questions en vue d’un article dans le magazine en ligne Elle autour du sujet « comment réagir face à cette ambiance désagréable de ‘jour sans fin’ due au Covid ».
S’en suit une demi heure d’échange où je prends la peine de recontextualiser la situation et d’expliquer qu’il est stérile de donner 5 ou 7 conseils à l’apporte pièce (mot pour mot!).
Je sais par ailleurs qu’une autre personne sera interviewée pour l’article. Les délais sont courts, ce qui ne me permet pas de relecture avant publication, mais la journaliste a pris des notes lui permettant de synthétiser l’essentiel de mes propos (dixit).
L’article parait en rubrique actu société sous le titre: « Six conseils pour assurer son équilibre dans cette crise sanitaire sans fin ». Je redoute la suite. Outre les « 6 conseils », l’article se cale sur une « crise sanitaire ». Rien à voir avec ma posture.
La première phrase évoquant « la 5ème vague du Covid qui plane au-dessus de nos têtes » fait monter la pression. Je n’adhère pas à ces discours, peu importe le nombre de vagues.
En effet, ceux qui me connaissent un tout petit peu savent que je ne parle JAMAIS de pandémie, mais TOUJOURS d' »effet covid ». A ceux qui veulent comprendre cette précaution de langage pour éviter toute dérive manipulatoire, je les invite à lire l’article d’août 2021 « Vue d’en haut, vue plongeante sur un drôle de monde »
Ceux qui me connaissent un tout petit peu savent aussi que lorsque je parle de « moments qui nous font du bien », je ne parle pas de moments qui procurent de l’apaisement, mais de moments qui nous nourrissent. La nuance est de taille. Qui plus est, les exemples que je donne sont en lien avec un retour au vivant: au corps, aux interactions, à la nature, au mouvement, à la prise de conscience de soi et de son environnement, aux activités créatives et créatrices…. absolument pas « dormir, marcher quelques minutes dans la rue, accepter de consacrer une heure à un épisode de série sans culpabiliser de « ne rien faire », appeler sa tante pour décompresser ». Je garde « cuisiner« , s’il ne s’agit pas de mettre une barquette au micro-ondes!
Enfin, ceux qui me connaissent un tout petit peu savent aussi que je dis pas « chaque grosse épidémie dure un temps, ce n’est pas ad vitam eternam. Nous arrivons juste au bout d’un système qui devait de toute façon évoluer ». Dans ce contexte, je ne parle pas de « grosse épidémie », mais de « période de crise », « période effet covid », « période d’instabilité ». (cf ce que j’exprimais plus haut à propos de « pandémie ») Toutes ces expressions sont en lien avec la mutation anthropologique que j’évoque dans nombre d’articles et d’interviews, elles ne sont jamais centrées sur ce virus covid, mais sur de multiples facteurs d’autres natures qui créent, conjointement, cette mutation actuelle inévitable.
Je remercie donc Auriane Guerithault et le magazine Elle.fr de cette riche expérience. Dorénavant, je n’accepterai plus aucune contribution médiatique sans un droit de relecture et de validation avant publication.
Je précise ne pas encore savoir si ces déboires incombent à l’écriture initiale de l’article ou à son éventuel remaniement (partiel) par la rédaction du journal. Je m’occupe de le mettre au clair avant un droit de réponse officiel.
A ceux qui souhaitent « assurer leur équilibre » dans cette période tumultueuse, je leur propose de lire, par exemple, Tel un roseau: Souple et ancré dans un monde qui chahute.
A ceux qui souhaitent mieux comprendre le sens des mots et la portée du manque de nuance dans nos sociétés, je leur propose de lire L’Esprit des mots.

-Suite de la situation, mi-décembre 2021 : J’ai pu échanger avec la journaliste et la rédactrice en chef qui se sont dites très surprises de ma réaction. De toute évidence, nous n’avons pas le même sens de la précision ni de la nuance. J’ai adressé une demande de droit de réponse dans les règles (ayant pris les précautions de rigueur auprès d’un conseil) et ai reçu une réponse de la direction juridique de la revue disant ne pouvoir donner suite à ma demande car « non conforme aux dispositions de la loi ». Manière rapide de « clore un dossier ». Nous sommes donc face au sujet de liberté d’expression vs authenticité des propos relayés. Je ne cautionne pas ce type de journalisme. Elle.fr et moi, ce fut donc une bien courte histoire.-

Voici l’article nécessitant ce recadrage, publié le 26 novembre 2021 et accessible sur le site Elle.fr:

Six conseils pour assurer son équilibre dans cette crise sanitaire sans fin

Publié le 26 novembre 2021 à 11h58

Avec la cinquième vague du Covid 19 qui plane au-dessus de nos têtes et l’approche des fêtes de fin d’année, on a un peu la désagréable impression de traverser une crise sans fin. © Malte Mueller / Getty images

Avec la cinquième vague du Covid 19 qui plane au-dessus de nos têtes et l’approche des fêtes de fin d’année, on a un peu la désagréable impression de traverser une crise sans fin. Voici six conseils pour (essayer) de sortir de ce trou noir.  

Depuis maintenant presque deux ans, nous partageons notre quotidien avec le Covid 19. Si vous aussi vous avez l’impression d’un « sentiment de lassitude, de jour sans fin », comme l’a évoqué Olivier Véran lors de sa conférence de presse jeudi, et que vous cherchez des solutions, vous n’êtes pas seule. 

Lire aussi >>>  Covid long : enquête sur les femmes en mal de diagnostic 

S’il fallait ajouter du stress supplémentaire à une période où tout va mal, voici venu le temps de se demander – à nouveau – comment passer sans risque les fêtes de fin d’année en famille. Pour faire face à ce cycle qui n’en finit plus et se dépêtrer de cette impression de « déjà vu », on vous propose six conseils. 

FAIRE UN JOURNAL DES PETITS SUCCÈS

Un projet qui va aboutir dont vous êtes fière, un message reçu qui vous a fait plaisir, ou simplement un sourire, une attitude : lister les choses positives à la fin de la journée peut vous aider à relativiser la situation actuelle. « Cette initiative nous fait nous sentir bien car, en listant les choses positives, on en voit de plus en plus et on les sent de plus en plus dans notre quotidien », explique Charlotte Jacquemot, chercheuse en sciences cognitives et membre du collectif scientifique « Adios corona ». On le conçoit, cela paraît plus facile à dire qu’à mettre en place mais « ça permet de capitaliser sur des émotions positives », assure-t-elle. Et à ça, en ce moment, on ne dit pas non. 

RETROUVER DE L’AUTONOMIE FACE À LA CRISE   

À défaut de pouvoir gérer la crise sanitaire et ses répercussions dans notre quotidien, retrouver de l’autonomie dans nos vies peut être bénéfique pour le moral car « psychologiquement on a besoin de contrôler les événements », rappelle Charlotte Jacquemot. Reprendre des activités sportives, culturelles, manuelles, artistiques nous permet de mettre en œuvre des compétences, précise la chercheuse en sciences cognitives. « Quand on réussit quelque chose, c’est gratifiant et c’est un cercle vertueux », constate-t-elle. Reprendre le contrôle c’est aussi accepter de ne pas vivre sous perfusion médiatique tous les jours, « s’informer oui mais pas trop, arrêtez la surdose d’informations », conseille Charlotte Jacquemot. 

S’AUTORISER DES BULLES DE DÉCOMPRESSION 

« Ce n’est pas parce que tout va mal qu’on ne doit pas accepter les moments qui nous font du bien », résume l’anthropologue Audrey Chapot. Autrement dit, dans la journée, prenez des moments qui vous procurent de l’apaisement : dormir, marcher quelques minutes dans la rue, accepter de consacrer une heure à un épisode de série sans culpabiliser de « ne rien faire », appeler sa tante pour décompresser, cuisiner. Tout ce qui peut vous permettre de sortir de votre quotidien professionnel et de l’actualité pesante sera bon. 

« Ne pas oublier de retrouver des activités d’interactions sociales, si elles étaient importantes avant », car comme l’explique Charlotte Jacquemot « on a besoin de se toucher, on a besoin de faire des câlins, ça touche les circuits du plaisir dans le cerveau ». La chercheuse en sciences cognitives conseille de ne pas hésiter à se reprendre dans les bras dans le cadre d’un cercle très restreint, familial, si vous êtes tous protégés.  

ACCEPTER DE NE PAS ALLER BIEN 

Cela peut paraître anodin mais, comme le rappelle Charlotte Jacquemot, « c’est ok de ne pas aller bien, de se dire que personnellement on ne s’en sort toujours pas après deux ans. C’est peut-être l’occasion de consulter quelqu’un ». Si vous en ressentez le besoin ou que vous hésitiez encore, à partir de janvier 2022, les consultations de psychologues seront remboursées pour tous les Français sur présentation d’une prescription médicale. Emmanuel Macron l’avait annoncé à l’occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en septembre dernier. Selon une enquête Coviprev, réalisée en mai, 23% des Français montrent des signes d’un état anxieux, une augmentation de dix points par rapport au niveau avant l’épidémie. Par ailleurs, 63% des sondés déclarent avoir des problèmes de sommeil, soit une augmentation de quatorze points par rapport à la période pré-épidémique. 

SE DIRE QUE CE N’EST PAS UN JOUR SANS FIN MAIS LE DÉBUT D’AUTRE CHOSE 

Pour ceux qui ont besoin de prendre un peu plus de hauteur face à la crise sanitaire, l’anthropologue Audrey Chapot rappelle que « chaque grosse épidémie dure un temps, ce n’est pas ad vitam eternam. Nous arrivons juste au bout d’un système qui devait de toute façon évoluer. »  Autrement dit, ce que nous vivons depuis deux ans a permis de mettre en place plus rapidement des modes de « comportements pérennes » : quitter les grandes villes pour s’installer dans un meilleur cadre de vie, changer son mode de consommation, sa manière de travailler

Mais cette transition, plus rapide que prévue peut être perturbante, « on est dans une zone entre deux équilibres, on va vers un système dont les normes ne sont pas encore stabilisées, d’autant plus qu’on n’est plus très solides psychologiquement », concède-t-elle. Pour mieux vivre cette période transitoire, Charlotte Jacquemot conseille de « ne pas attendre la fin de l’épidémie mais d’être dans une position moteur », autrement dit de ne pas subir, ne pas « attendre que cela se finisse » car, on ne le sait que trop bien avec cette cinquième vague qui arrive : personne ne peut dire quand cette crise sanitaire s’arrêtera. 

RÉAPPRENDRE LA NOTION D’INCERTITUDE 

Car oui s’il y a bien une notion que l’on a oublié d’intégrer dans nos vies c’est celle de l’incertitude. « On a pris l’habitude depuis la révolution industrielle, de mettre de côté la notion d’incertitude. On vit en se disant qu’on peut tout anticiper, programmer mais les événements de cette pandémie nous rappellent que nous ne sommes que des êtres humains » explique Audrey Chapot. L’anthropologue qui a travaillé sur la société indienne qu’elle connaît bien explique que cette notion y est bien plus présente : « Ça ne se passe pas comme prévu ? Ce n’est pas grave. » « En Europe, c’est presque un manque de compétence de ne pas anticiper. » Son conseil ? « Réappropriez-vous le fait que vous ne savez pas tout d’avance, réappropriez-vous une sorte de confiance intérieure. » Selon elle, c’est ce qui nous manque et ce qui expliquerait les crispations, les douleurs et les souffrances réelles. 

par Auriane Guerithault

***

Pour découvrir d’autres articles et interventions (fidèles à ma pensée et mon état d’esprit), parcourez toutes les Actualités!

et pour comprendre comment s’adapter dans un monde qui bouge et peut nous déstabiliser, lisez Tel un roseau: Souple et ancré dans un monde qui chahute (en commande directe)