Activité professionnelle et métier

Certains termes sont utilisés quotidiennement sans égard à leur signification réelle, leur portée et l’intention qu’ils contiennent. La conséquence qui découle aujourd’hui de cette mauvaise habitude d’utiliser un terme pour un autre est un mélange des genres, un flou des discours, une perte de repères pour chacun, une quête de sens pour beaucoup. Métier, travail, emploi, activité… de quoi s’agit-il exactement ?

L’approche étymologique et les définitions apportent des précisions :

L’activité est la puissance d’agir, à la fois l’exercice et la manifestation concrète de ce pouvoir d’agir.

L’emploi est une occupation, une fonction, une tâche. Ce terme est profane et indique uniquement le fait de « faire quelque chose ».

Le travail est une activité humaine qui exige un effort soutenu et qui vise la modification, la création, la production de choses ou d’idées. Le travail vient du latin trepalium, signifiant instrument de torture (pour énoncer l’instrument utilisé au Moyen Age constitué de trois pieux). Qui dit travail, dit pénibilité, dit besogne.

Le labeur (de même origine que l’anglais labor) signifie la peine que l’on se donne pour faire quelque chose, le terme inclut les notions de chagrin, de fatigue et de ténacité. Après le labeur viennent ses fruits, comme une douce récompense. L’empreinte judéo-chrétienne largement activée pour inciter au « bon comportement » règne.

La profession est une déclaration publique de ses sentiments, de ses idées ou de sa foi, ce qui, par extension, devient la déclaration de son état, de sa condition, de son métier, de ce qui constitue généralement la source de ses moyens d’existence. La notion de rémunération apparaît. La profession est également ce qui se professe, lorsque des savoirs savants, au sens intellectuel, sont enseignés.

Le métier est une occupation utile à la société et qui donne des moyens de subsistance à celui qui l’exerce. C’est historiquement une activité manuelle ou mécanique qui nécessite l’acquisition d’un savoir-faire, d’une pratique : on parlait des gens de mestier, c’est-à-dire des artisans. Ainsi, le métier inclut une fonction de serviteur, car il existe « un besoin et un emploi de bras ». Métier est issu de deo menestier, pour certains lui-même issu de ministerium, qui a donné ministère, pour d’autres, issu de mysterium, mystère. Il inclut aussi la notion de service divin par l’épreuve de foi qui existe dans le devoir de s’accomplir dans les affaires temporelles. Cette même idée se retrouve dans l’anglais calling et l’allemand Beruf. Dans métier, il est question d’œuvre, à quelque niveau que ce soit. Le Chef d’œuvre des Compagnons et des artistes est l’exemple classique.

La terminologie choisie pose un impact symbolique fort et direct.

Voici quelques exemples courants des termes et de leurs champs d’application :

– activité professionnelle, domaine d’activité, cumul d’activités, activité économique, taux d’activité, prime d’activité, activité partielle

– demandeurs d’emploi, recherche d’emploi, offre d’emploi

– permis de travail, conditions de travail, Organisation Internationale du Travail (OIT), sociologie du travail, hygiène & sécurité au travail, médecine & santé au travail, Ministère du travail de l’emploi de la formation professionnelle et du dialogue social, espace de travail, droit du travail, Code du travail, valeur travail

– profession réglementée

– fiches métier, filière métier, métiers d’avenir, métiers d’art, Arts & Métiers, mondial des métiers…

A ce stade, il est judicieux d’ajouter :

poste : une place, une position, une fonction précise, un emploi professionnel assigné par un supérieur en vue d’une mission précise. Ce terme est issu du vocabulaire militaire. Il désigne aussi une place où l’on attend, tel le chasseur se met en poste pour guetter le gibier.

Exemples dans le langage courant : fiche de poste, poste de travail

carrière : historiquement, il s’agit de faire courir un cheval de tous les côtés, de « donner cent quarriers ». La carrière désigne ensuite la distance qu’un cheval peut parcourir sans perdre haleine, il « fournit sa carrière ». Puis, la carrière désigne un terrain de course et passe dans le champ militaire pour définir un terrain aménagé pour des courses de chars, des courses à pied et des passes d’armes. Par extension, la carrière professionnelle désigne la trajectoire que l’on peut parcourir, en avançant sur un chemin jalonné.

Exemples dans le langage courant : militaire de carrière, carrière diplomatique, carrière enseignante, plan de carrière, transition de carrière, opportunités de carrière

Outre les précisions terminologiques, il est aussi important de saisir les fonctions de ces termes. A quoi cela sert-il d’évoquer ces mots ? En avons-nous besoin ou pouvons nous nous passer, que représentent-ils dans nos vies ?

L’activité, pour être le plus neutre possible, répond à trois fonctions indispensables à toute société humaine :

Son rôle est de répondre aux besoins physiologiques. L’activité permet à chacun et avant tout de se nourrir et de s’abriter, que ce soit par soi-même ou par don, troc ou achat/vente.

Son rôle est aussi social, il crée du lien entre individus pour une vie commune. L’activité procure un sentiment d’appartenance dans une société pour laquelle chacun contribue. Ce phénomène dupliqué pour chacun crée le tissu social, l’interdépendance entre tous, l’intégration pour chacun, la filiation entre membres de communautés et la condition de survie du groupe.

Son rôle est enfin identitaire. Avoir un rôle au sein d’une communauté, lui être utile, agir et contribuer au développement ou au maintien de la société construit l’individu. Cela lui donnait d’ailleurs souvent un nom, car les patronymes sont majoritairement issus de fonctions sociales et de métiers. Le rôle identitaire de l’activité inclut aussi les fonctions de réalisation, de dépassement de soi, de reconnaissance, tout ce qui contribue à l’identité et l’estime de soi.

Personnellement, parmi le mélange des genres, le flou des discours, la perte de repères pour chacun, la quête de sens pour beaucoup, mon choix est fait : je privilégie l’activité, la profession et le métier.

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Cet article constitue un chapitre dédié du livre L’Esprit des mots, en version enrichie et affinée. 

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