Témoignage surprise d’un lecteur très particulier. Je suis sans voix de découvrir ce texte de Serge Ronzeaud à propos de « Tel un roseau », mais aussi de notre passé de collégien (avec des événements que j’avais totalement oubliés), de nos cheminements et questionnements mutuels, si différents et si identiques.

Et surtout, profondément touchée parce que Serge a absolument tout compris de mes intentions.

Je vous laisse découvrir son texte publié le 9 janvier 2021 sur son compte facebook.

« Tel un roseau » – Audrey Chapot

J’ai connu Audrey Chapot en rentrant au collège. Nous avons fait parti de la même classe pendant 4 ans. Et puis la vie, et les conditionnements que nous avons préalablement tous reçus et que nous continuons de cultiver nous ont emmenés vers notre « destin ». J’avais donc 14/15 ans à ce moment là. Maintenant 47, cela fait donc 30 belles années qui ont fait leur œuvre entre ce temps, et celui dont je vais vous parler. Le temps où moi je n’en avais rien à foutre de lire des livres.

J’ai retrouvé Audrey par facebook. Je cherche parfois les connaissances de mémoire, qui m’ont marqué quelque part, puisque je m’en souviens. Je fais partie de ces gens là, ceux qui mesurent et se replongent, parfois, dans leurs souvenirs, un genre de « bain » (ces contextes qui nous ont structurés).

Et pour tout vous dire j’ai été agréablement surpris, mais pas étonné du tout, de ce que devenait Audrey. Selon sa définition, une anthropologue hybride. Je comprend bien ce terme « hybride », vu que j’ai aussi passé ma vie entre les lignes, sans vraiment tenir socialement en place, que je le veuille ou non.

Oui Audrey a voyagé, est partie à la rencontre d’autres cultures, a probablement brillé en études (Audrey avait de très bonnes notes, à l’inverse de mes très moyennes prestations disons un peu désintéressées) ; et voir ce qu’elle a dessiné de son existence, je trouve que ça lui ressemble bien, comme si ça correspondait à ce que moi j’avais senti en terme d’énergie et de potentiel. Une force intellectuelle, une souplesse corporelle, un désir d’aventure, une base d’étude reconnue, et un amour social fort. Il n’est donc pas étonnant que vu notre contexte elle ait à sa façon été amenée à se poser peut-être le même genre de question que je me suis posé. Pourquoi ne tenons nous plus ensemble entre nous, et avec la nature ? Pourquoi ne formons nous, ne reconnaissons nous plus cette unité ? Que l’on peut pourtant très clairement percevoir dans la plupart des cultures minoritaires qui vivent au coeur de la nature.

Audrey Chapot a publié 2 livres : « L’Esprit des mots » et « Tel un roseau ». Si j’ai bien compris, un troisième serait dans la marmite. J’imagine que ce travail de publication vient appuyer son activité de chercheuse et de praticienne. Il est plus simple de visiter son site, car dans la recherche, il est déjà bien assez compliqué de prononcer les bons mots pour se faire comprendre :https://www.audreychapot.com/

Parce qu’un jour Audrey m’a défendu alors qu’un trublion m’agressait sans raison valable dans le préau (on avait 11 ou 12 ans, elle a donc été très courageuse), et parce que je suis curieux d’en savoir plus sur son parcours, j’ai donc commandé « Tel un roseau » son deuxième ouvrage, parce que le titre me parle, et aussi parce qu’il est proche de mon nom (même si je suis peut-être plus ronce que roseau:)

Le premier constat, fidèle à sa constitution, Audrey nous fait bosser !

Cet ouvrage a été taillé pour l’efficacité. Quand on s’enracine, les effets intellectuels ne deviennent plus que des supports pour la vraie relation : la présence organique. Ce bouquin est fait pour nous aider à passer du flou nuageux au constat de la présence naturelle, par élagage progressif. Il y a donc tout une création d’outils issus de ses recherches, rencontres et découvertes culturelles, naturelles, psychologiques, sociologiques, anthropologiques, et des espérances et clartés expériencielles qui en découlent. Ce choix est pour moi le bon. Il n’est plus l’heure de s’interroger, mais de coller au réel par tous les moyens. Elle fait parti de ces gens qui « préparent » le chemin.

Mme Chapot s’est permise de discerner et d’ingurgiter, pas comme une simple spectatrice, mais aussi il me semble, avec un certain degré d’immersion qui lui est propre, car la démarche scientifique est là aussi. Pour être compréhensible aux yeux de notre monde, c’est indispensable, même si dans la nature, ça n’est pas obligatoire.

« Tel un roseau » nous fait donc vivre un voyage au vrai sens du terme. Si on veut le lire, on ne peut que le vivre. Il ne se survole pas. C’est à prendre ou à laisser. Ce n’est pas une zone de confort, ça nous pousse vers notre corps. Par un éventail de questionnements progressifs, il nous met en situation au sein même de notre contexte quotidien, avec les grands axes de la vie naturelle et sociale qu’à sa manière elle a cartographié sous la forme de 6 territoires culturels.

Quand j’ai commencé je me suis dit « oula ». Pas dans le sens de la difficulté, mais de l’investissement que cela demande en terme de temps et de besoins.

Donc l’ouvrage répond à mon sens, à l’urgence de repérage, au besoin de retrouver du sol dans, comme elle le dit dans le sous titre « un monde qui chahute ».

Pour tous les gens qui dans la pression de la civilisation moderne cherchent à évoluer en faisant le choix de recoudre avec le vivant. Si nous nous sentons loin de la Terre, en même temps nous en sommes très proche. Et si l’on observe en nous à des endroits bien précis, alors l’errance, l’angoisse, l’anxiété générées par la sensation de submersion peuvent retrouver le sens de leur présence en nous. La première porte de l’espérance. Nous ne sommes pas seuls. Nous avons le droit de vivre. Nous sommes des êtres naturels et nous avons tous fait le chemin jusqu’ici.

Audrey Chapot nous aide à remettre du sens à notre présence. Et une fois la porte ouverte, il y a bien sûr de nouveaux espaces qui peuvent s’ouvrir. « Passeuse » me vient à l’esprit… peu importe, restons ouverts.

Ce qui me plait, ce que je reconnais, c’est l’amplitude et le positionnement du travail, en zone non investie (parce que non rentable sans culture de long terme). Il faut bien que certains fassent les premiers pas. Et il faut du courage pour amener ça en surface, sur la table de la salle à manger…

Alors puisque nous y sommes, et puisque nous sommes perdus dans la forêt des hommes, « tel des roseaux, souples et ancrés dans un monde qui chahute », retrouvons le feu de la vie qui nous anime. Voilà une possibilité de plus, et une raison de moins pour hésiter.

Merci Audrey !

Serge Ronzeaud

(J’ai pris la liberté de mettre en lumière certains passages en gras; le texte est d’origine.)

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