Livres invendus et papier toilette, réflexion d’époque

Edition, recyclage & décence, par Audrey Chapot, auteur-éditrice

La réflexion n’est pas saugrenue, mais conforme au cycle de transformation des matériaux. En effet, les livres invendus pilonnés sont recyclés en rouleau de papier toilette. Et à ce rythme, nous ne serons pas en pénurie !

Saviez-vous que 80 millions de livres invendus étaient pilonnés chaque année en France ?

Cela fait 80 millions de livres produits pour rien, avec des matières premières transformées pour rien, des coûts de transformation exorbitants pour rien, certes recyclés, mais à quel prix ? La hausse du prix du papier ne suffit pas non plus à enrayer l’habitude du secteur à produire en masse pour détruire en masse.

La mutation anthropologique de notre civilisation est en cours, les mentalités et les habitudes trainent. Pire, elles se donnent bonne conscience en déplaçant le problème.

Faut-il réfléchir à l’avenir des livres invendus ? Ou « tout simplement » ne plus produire d’invendus ?

Au moment de la rentrée littéraire, les livres doivent être vus en librairie et dans les médias. C’est le moment des nouveautés. Qu’elles soient qualitatives ou non, il faut donner à consommer en nouveautés, en pages imprimées comme dans tout autre registre. « Nouveautés », le mot qui alimente notre civilisation de l’indécence, celle de l’obsolescence et de l’incohérence.

Deux articles ont retenu mon attention ces derniers jours :

Le monde a publié un article le 25 août 2023, « Dans l’édition, une amorce de prise de conscience écologique », rapportant les données du SNE (Syndicat National de l’Édition). 80 millions de livres invendus sont pilonnés chaque année en France, un chiffre qui fait froid dans le dos. Pas à tous pourtant, puisque les surproductions continuent allègrement et les mauvaises excuses s’accumulent.

Le second article paru le 24 août dans Actualitté, « Hommage aux livres sans lecteurs, devenus du papier toilette », nous rappelle avec beaucoup d’humour l’histoire du papier toilette et les origines, anciennes et actuelles, du recyclage. Livres et petit coin ont une longue amitié et l’auteur de l’article, Nicolas Gary, excelle à cette commémoration !

 

Cela fait écho avec mon article de l’année dernière, pratiquement jour pour jour, « Pourquoi auto-éditer ? Le choix de l’indépendance », paru le 25 août 2022. J’écrivais alors mes raisons à choisir de m’éditer et à produire « à la demande » :

« La production à la demande (qui permet des impressions à l’unité, en quantités restreintes ou importantes) évite le pilonnage des invendus, contrairement aux pratiques historiques des éditeurs. Pas de contribution à un gaspillage effréné de papier et d’encre pour produire des invendus sous prétexte de gagner initialement en coûts de production. Pas de rupture de stock non plus (contrairement à ce que certains sites de vente en ligne mastodontes et librairies nationales affichent pour pousser les auteurs à contractualiser avec eux) ».

 

A la veille de cette rentrée littéraire, il en faut de l’autodérision aux milliers d’auteurs qui, à la lecture de ces articles, prendront conscience de l’avenir de leurs œuvres imprimées. Les rayons de bibliothèque ne sont pas pour tout le monde et pas pour chaque ouvrage.

A cela s’ajoute, comme je le notais dans ce même article l’année dernière, « la qualité des ouvrages ne dépend pas de son mode d’édition, ni de la promotion qui en est faite : j’ai lu d’excellents ouvrages auto-édités et sans promotion, et de piètres livres édités par des maisons reconnues sous battage médiatique. »

A chacun donc d’arbitrer, en connaissance de cause. Et vous, que lisez-vous en ce moment ?

 

Les éditions Audrey Chapot, des livres certifiés sans pilonnage et sans surproduction !

 

Cet article est édité sous licence Creative Commons 4.0 international « Attribution »:

Vous êtes libre de le partager à condition de toujours mentionner Audrey Chapot comme auteur et de compléter avec le lien du site comme source de diffusion initiale.