Quelle surprise d’apparaitre en « Lecture de la rentrée » pour L’Optimisme.com! Merci à toute l’équipe pour cette nouvelle collaboration!

Voici la retranscription intégrale de l’interview publiée le 23 août 2021, accessible aussi sur le site source le L’Optimisme.com.

Vous êtes “touche-à-tout” ? Eloge des métiers hybrides par Audrey Chapot

Vous a-t-on déjà dit que vous étiez “touche-à-tout” ? Souvent perçu de manière péjorative, être “touche-à-tout” est pourtant un fait qui relève de notre condition d’humain. Voici un livre qui réconforte en cette rentrée !

Dans cette interview, Audrey Chapot, anthropologue hybride et auteure de « Éloge des métiers hybrides – pour les touche-à-tout à les autres » nous parle de cette notion d’un point de vue anthropologique, histoire de nous décomplexer et de nous rappeler qu’il est tout à fait normal d’être “touche-à-tout” dans le monde d’aujourd’hui.

Le “touche-à-tout” n’est pas instable ou hésitant, il est un individu curieux qui exprime la multiplicité de ses capacités et de ses besoins au cours de sa vie. Tour d’horizon avec Audrey sur son livre ressourçant et apaisant.

Pourquoi un livre sur ce sujet ?

touche a tout

Mon intention est surtout de révéler notre amnésie collective afin de sortir de certaines ornières de pensée devenues nuisibles.

Aujourd’hui dans beaucoup de domaines, ce que nous considérons être la norme n’est en fin de compte que le résultat d’un choix particulier fait à une époque (plus ou moins récente) pour répondre à certains besoins. Nous nous y sommes habitués en oubliant nos manières de vivre « naturelles » préalables. Dans certains cas, cette « normalité » nous porte préjudice.

Tu abordes le sujet des « touche-à-tout ». Peux-tu nous expliquer ce terme ?

Anthropologiquement parlant, ils ne sont ni minoritaires, ni atypiques, mais des êtres humains très banals. Au lieu de prendre naturellement leur place dans la société et d’y contribuer, ils sont trop souvent considérés comme des cas particuliers. En réalité, les cas particuliers à l’échelle de notre espèce sont ceux qui suivent un « parcours » plutôt rectiligne et tracé d’avance. Notre idée courante de la normalité identifie des personnes suradaptées à leur société.  

Pourquoi avoir choisi cet angle des « métiers hybrides » dans ton nouveau livre ?

Je parle d’abord de métiers pour redonner de la noblesse à la notion d’activité professionnelle.

Le terme hybride renvoie à l’idée de métissage d’activités humaines. Il s’agit de combiner des disciplines, des secteurs d’activités, des méthodes de travail, des matières et matériaux, des types de relations… Comme je l’explique dans le livre, cela regroupe des réalités extrêmement différentes, de la valorisation des généralistes, à la redéfinition des créatifs, en passant par les avant-gardistes.

Ce qui m’importe est d’insister sur l’ouverture et les diversités des activités humaines. Ce qui m’importe aussi est que chacun se ressaisisse de son pouvoir d’action individuelle. Ce qui m’importe enfin est de montrer que ces métiers hybrides, nouveaux ou revisités, permettent de faire évoluer la société ; je parle du « nécessaire coup de fouet dans nos sociétés » pour éviter qu’elles ne s’enlisent.

D’après ton expérience, comment reconnaître un « touche-à-tout » ?

Comme dit précédemment, en déroulant le fil de l’histoire de notre espèce et de l’histoire des activités humaines (comme je l’avais fait notamment dans mon premier livre « L’Esprit des mots »), j’en suis venue au constat que nous sommes tous des touche-à-tout. Ce n’est donc pas une particularité, mais un fait humain.

Certains s’y reconnaissent spontanément, d’autres moins. En creusant un peu, rares sont ceux qui ne s’y retrouvent pas du tout !

Ceux que l’on reconnait facilement sont, d’une part, ceux qui l’assument parfaitement et s’épanouissent dans leur métier et leur trajectoire singulière ; d’autre part, ceux qui se cherchent encore, qui tentent de « rentrer dans le système ». Les premiers sont dans leur élément et peuvent inspirer les seconds.

Mon livre est aussi un témoignage pour montrer qu’il n’existe pas de voie unique et qu’il n’est pas forcément conseillé de restreindre ses envies. Je l’illustre par plusieurs anecdotes personnelles et des clients m’ayant contactée pour les accompagner dans leur réflexion et avancée professionnelle.

Comment expliques-tu d’un point de vue anthropologique que les « touche-à-tout » ne soient pas valorisés dans notre société alors que « nos ancêtres étaient des slasheurs » ? En quoi est-il important selon toi qu’ils le soient davantage ?

Les touche-à-tout n’ont pas été valorisés depuis deux siècles car la société avait besoin de compétences remplaçables.

C’est la conséquence de la révolution industrielle du XIXème siècle, ce qui nous a procuré de nombreux avantages pour notre quotidien. A force de conditionner des êtres interchangeables pour leur compétences interchangeables, nous nous sommes « anesthésiés » de nos besoins fondamentaux.

Dans ce contexte, les touche-à-tout qui ne restent pas en place, ou qui ne la trouvent pas, sont gênants, et donc parfois dévalorisés.

Nous vivons aujourd’hui une mutation anthropologique, un tournant décisif de notre modèle de société et de nos manières de vivre et de travailler. C’est d’abord individuellement l’occasion de nous reconnecter à nos besoins fondamentaux : notre besoin de création, d’expérimentation et de sens. C’est aussi collectivement l’opportunité de faire bouger nos sociétés devenues sclérosées.

Ton livre est également le fruit de ton propre vécu. Tu te définis toi-même comme « anthropologue hybride ». Qu’est-ce que signifie cette appellation dans ta quête professionnelle et personnelle ?

C’est effectivement un intitulé que j’ai utilisé pendant plusieurs années.

Pendant très longtemps, mes choix et ma trajectoire n’étaient pas toujours lisibles de l’extérieur (alors qu’ils l’étaient pour moi). Je me retrouvais donc sans cesse en situation de justification, d’explication de mes choix, de mes envies et de ma posture. C’est aussi usant qu’inutile puisque… je ne rentrais pas dans les cases dans lesquelles on cherchait à me faire rentrer ! et lorsque j’y rentrais, j’en débordais très rapidement pour partir vers autre chose.

Cet intitulé m’identifiait à la fois comme anthropologue (conformément à mon cursus et mon expérience) sans m’y restreindre. Aujourd’hui, j’ai pris beaucoup plus de distance par rapport à cela, et je ne l’utilise pratiquement plus. Je fais ce que j’ai à faire, je ne me sens plus en quête.

L’une des difficultés des « touche-à-touche » est de trouver l’épanouissement professionnel. Quel conseil pourrais-tu donner aux lecteurs qui se retrouvent dans cette difficulté ? Quel point de départ pour « se trouver professionnellement » quand on est « touche-à-tout » ?

Se trouver professionnellement passe par « se trouver », c’est-à-dire être au clair et accepter qui l’on est, ce que l’on a à faire, et s’y investir. Et pour cela, il n’existe pas forcément de conseil clair valable pour tous !

Par exemple, certains auront besoin d’un objectif précis vers lequel tendre (quitte à en changer en cours de route) lorsque d’autres feront mieux sans, en naviguant à vue.

Ce que je constate souvent, c’est la difficulté des choix justes, guidés par l’écoute intérieure authentique. 

Tant que nous resterons si obéissants à la pression sociale et/ou familiale (qui décide pour nous) sans connexion à une dimension sacrée (comme je l’exprime dans «Tel un roseau »), nos conditions de vie et de travail resteront insatisfaisantes, voire toxiques.

A propos d’Audrey Chapot

Son site : https://www.audreychapot.com/

Pour commander son livre: ICI 

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