Mémorial Acte, Pointe-à-Pitre Centre caribéen d’expression et de mémoire de la traite et de l’esclavage (photo Mémorial Acte)

Qu’est-ce que le 10 mai pour vous?

Un jour comme un autre? La veille du déconfinement 2020? Un anniversaire quelconque?

Le 10 mai est la journée nationale des mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions.

Jour férié en Outre Mer depuis 1983, pourquoi toujours pas en métropole?

Ne pas reconnaitre le 10 mai comme jour férié national, c’est refuser le travail de mémoire et de considération des phénomènes d’esclavage et de traite de l’Histoire française.

C’est maintenir délibérément une page manquante de l’histoire nationale, avec des conséquences très concrètes aujourd’hui et demain.

Pourquoi le 10 mai?

Cette date fut fixée après maintes délibérations, et sur proposition de Maryse Condé, Présidente du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage. Le 10 mai 2001 étant le jour de l’adoption de la loi Taubira, reconnaissant l’esclavage et la traite comme crime contre l’humanité.

L’abolition de l’esclavage est un processus irrégulier, qui s’étale sur plusieurs décennies, avec des dates officielles locales différentes et des récidives selon les colonies (Merci Napoléon…).

A l’international aussi, chaque pays et chaque institution reconnait une date différente; difficile donc d’unir les mémoires de reconnaissance du phénomène pourtant mondial.

Quels esclavages et traites?

Même si cette date du 10 mai fait référence directe à la déportation, l’esclavage et la traite de millions d’africains en terres coloniales éloignées pour le compte d’enrichissements commerciaux en France, elle ne se limite pourtant pas à cette unique et très longue page de l’histoire française.

La France n’était pas seule à cette époque; l’esclavage pas une nouveauté non plus.

Ce qui est sans précédent à cette époque est la durée et la dimension du phénomène, le « processus d’industrialisation globalisé » de l’exploitation des êtres humains.

Aussi loin qu’on remonte dans l’histoire des Etats, il y avait esclaves et traite d’êtres humains.

Je ne dis pas que l’être humain a toujours vécu avec une partie de la population en esclavage; je dis qu’à partir du moment où les sociétés ont atteint une certaine taille critique, à partir du moment où les guerres sont apparues, à partir du moment où une main d’oeuvre abondante était nécessaire pour édifier de gros travaux, l’esclavage et la traite se sont développés, partout dans le monde et à toutes les époques.

Journée des mémoires et des responsabilités

Reconnaitre le 10 mai jour férié national des mémoires de l’esclavage, de la traite et de l’abolition, c’est reconnaitre… l’abolition justement!

C’est donc reconnaitre sa responsabilité de ne plus participer, ni alimenter, ni favoriser l’esclavage ou la traite, et de la dénoncer lorsqu’elle existe.

Pourtant aujourd’hui, l’esclavage dit moderne et la traite existent toujours, sous plusieurs formes, par méconnaissance de notre histoire, par manque d’esprit critique de notre situation actuelle, par défaut de responsabilité…

Reconnaitre le 10 mai jour férié national, c’est nourrir nos réflexions sur le présent et ce que nous voulons demain.

Qu’est-ce qu’un esclave?

L’esclave, c’est avant tout celui qui n’a pas de droits, ou des droits inférieurs aux autres; c’est celui qui est reconnu comme inférieur pour permettre à certains d’être considérés comme supérieurs. C’est celui qui est mis en servitude face à un tout-puissant. Rappelons-nous simplement l’histoire de l’invention de la démocratie athénienne, avec l’esclavage pour dettes, entre autres.

L’esclave est celui qui est amputé de sa dignité. L’esclave est la conséquence directe et matérialisée de l’idée d’inégalité parmi les êtres humains.

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Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été viscéralement défenseur des peuples opprimés, et très critique vis-à-vis des « fabriques de l’histoire ». Je l’exprime à plusieurs reprises dans L’Esprit des mots.

Aujourd’hui, je me rallie à la tribune publiée aujourd’hui au JDD qui plaide pour le 10 mai jour férié national.

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