La grande interview de Jean-Yves Bourré « Le monde souffre car il est énergivore »

A découvrir dans le N°13 du trimestriel OVNI, Sciences et histoire: mon article interview de Jean-Yves Bourré, auteur de « Chamanisme, Animisme ».

Et de nombreux autres articles, notamment « Koyaanisqatsi (1982): un OVNI cinématographique visionnaire sur nos sociétés », produit par Francis Ford Coppola et construit autour des prophéties Hopi. En lien donc avec mon dernier ouvrage « Renaissance Man, un conteur en terre Hopi »

Disponible en kiosque et sur commande

Voici les 8 pages (photo de Jean-Yves Bourré), le texte suit:

 

Le monde souffre car il est énergivore

L’ouvrage de Jean-Yves Bourré est une pépite, un incontournable pour celui qui souhaite comprendre ce que recèlent les notions de chamanisme et d’animisme !

Dans une langue limpide et accessible, son ouvrage foisonne de témoignages et d’exemples de sa longue et riche expérience auprès de différentes traditions chamaniques. Il redonne ainsi corps aux sources du chamanisme en le présentant inextricablement lié à l’animisme.

Tout au long de l’ouvrage, Jean-Yves Bourré ne cesse de rétablir toujours plus de cohérence au sein de cet immense corpus dans lequel l’homme n’est pas un tout-puissant en son centre. Sans être donneur de leçons, il révèle ainsi certains amalgames fréquents, et expose ses craintes quant au devenir du chamanisme en Occident.

Fin connaisseur de plusieurs traditions chamaniques, il les enseigne sans les mélanger, afin de préserver leur Essence et leurs spécificités originelles. C’est sa manière de pratiquer ce qu’il appelle un chamanisme œcuménique.

« Chamanisme, Animisme » est un ouvrage d’une rare justesse de ton et de fond.

 

AC : Jean-Yves, pourquoi avoir écrit cet ouvrage ? Était-ce une volonté ou un besoin personnel, ou plutôt une réponse à un appel extérieur ?

JYB : J’ai toujours rêvé d’écrire un livre. C’est un appel depuis toujours.

En 1982, en échangeant avec une radiesthésiste, c’est l’unique question que je lui ai posée et elle m’a dit « oui ». Pendant des années, je ne suis pourtant pas parvenu à écrire. En 2018, une maison d’édition me propose de publier un ouvrage. Là, je ne pouvais plus me dérober et j’ai proposé un manuscrit. Mais encours de correction, nous nous sommes rendus compte que nous étions en profond désaccord de fond et nous avons simplement arrêté le projet.

C’est plus tard, de retour d’un voyage en Mongolie, que j’ai tout réécrit en trois semaines. Cela s’est fait en écoutant en boucle deux CD ; un jour l’un, un jour l’autre. L’écriture a donc émergé d’une forme de transe légère. C’est cet ouvrage que les éditions Trédaniel ont publié en 2021.

 

AC : Votre ouvrage s’intitule « Chamanisme, animisme ». J’apprécie particulièrement la manière dont vous réhabilitez l’animisme, et comment vous reliez ces deux notions inextricables. Pouvez-vous définir les chamanismes et l’animisme, et les liens entre ces deux termes ?

JYB : Comme je l’explique dès l’introduction du livre, le chamanisme est un terme générique. Il regroupe un ensemble de pratiques et de cultures extrêmement riche. Chaque Peuple entretient son propre ensemble de pratiques et de relations avec les Esprit du vivant. C’est pourquoi je parle de grand puzzle, comme si chaque Peuple constituait une pièce d’un grand ensemble.

Le chamanisme est le fait d’entretenir la communication et l’équilibre des échanges avec l’ensemble du vivant, visible et invisible, sur la Terre et dans l’Univers. Les pratiques varient selon les mythes fondateurs de ces Peuples.

L’animisme est le prérequis indispensable. C’est la certitude que tout ce qui existe possède un Esprit et au moins une âme, parfois plusieurs, y compris les phénomènes éphémères comme la pluie, le vent ou l’orage.

D’une certaine manière, l’animisme serait l’ossature cognitive et culturelle que les Peuples entretiennent dans leur rapport à la vie, et le chamanisme concernerait les pratiques qui en découlent.

 

AC : Le sous-titre de l’ouvrage pose l’importance de retourner aux sources du chamanisme. En quoi est-ce utile et important ?

JYB : Ça me tient à cœur. Le monde souffre car il est énergivore. On mange trop d’énergie !

Le soleil, lui, dissipe peu d’énergie ; sa durée de vie est longue. Nous, nous en dissipons beaucoup, ce qui fait que notre vie est courte.

Plus on dissipe vite, plus notre histoire est courte.

Les peuples premiers dissipent peu. Ils savent comment gérer l’énergie suffisante et utile.

C’est le principe de la thermodynamique de l’évolution, comme l’explique merveilleusement bien l’astronome François Roddier.

 

AC : Vous prenez soin de distinguer notamment les amalgames fréquents entre développement personnel et chamanisme. Vous alertez même sur la tendance du développement personnel à tenter parfois d’absorber les pratiques chamaniques. Pouvez-vous l’expliquer ?

JYB : On est constitué des quatre éléments. Dit autrement, nous sommes de petits morceaux de la Pachamama. Si on s’en rend compte, réellement, on commencera à respecter notre Terre-Mère.

Mais l’Esprit assassin est né, il veut toujours plus. Il suit la logique de « je gagne, tu perds », alors que nous devrions tous être « gagnant-gagnant ». C’est ça la source du chamanisme, le principe Ayni tel que les Andins l’expriment, le principe de réciprocité.

Nous sommes nés de la réciprocité et nous vivons par la réciprocité. C’est l’essence même de la vie.

Mais notre narcissisme nous voile la face. Nous sommes dans une société nombriliste, très orientée sur l’égo et le psychologique, avec une approche très yin. Le chamanisme est dans l’agir et l’acceptation ; les rituels sont par essence très yang.

Le développement personnel est toujours relié au psychologique, en posant l’homme et l’univers, sans connexion directe avec les Esprits du vivant. Lorsque l’on évoque, par exemple, les passages d’âme, il ne s’agit pas de récupérer des morceaux d’âme, il s’agit de dialoguer avec des Esprits. Cela n’a rien de psychologique. La dimension psychologique est intéressante, mais elle n’est pas au cœur du chamanisme. Le chamanisme s’occupe de créer et d’entretenir des liens avec les Esprits, et avec la Force sauvage, une force naturelle de création, non domestiquée ; c’est la « Salka » des Andes, « Skan » des Lakotas ou « Mana » en Océanie.

Il ne s’agit donc pas d’opposer développement personnel et chamanisme, mais plutôt d’observer qu’ils partent de deux positions diamétralement opposées.

 

AC : La posture et l’intention de l’individu sont des éléments centraux de votre ouvrage. Elles sont intimement corrélées à la qualité de connexion que nous entretenons ou pas avec la nature. Comment faire pour renouer et prendre soin de notre connexion à la nature, pour être reconnue par elle ?

JYB : C’est un chaman sibérien qui m’enseigna un jour de ne pas chercher à me reconnecter à la Nature comme nous disons chez nous ; Il faut au contraire être reconnu par la Nature pour pratiquer le chamanisme.

Le changement de sens est fondamental et permet à l’homme de redevenir l’enfant naturel de la Terre. C’est regarder vers l’origine pour comprendre et accompagner les mouvements du monde.

Pour cela, il faut reproduire les gestes des ancêtres. Pas pour rester figé dans un ancien passé, mais pour garantir que le lien avec le vivant n’est pas rompu.

Cela inclut aussi de comprendre pourquoi on fait des offrandes, comment on les pratique.

C’est l’objet des mythes, de nous apprendre le fonctionnement des Premiers Ancêtres et leurs gestes pour maintenir les liens existants.

 

AC : Quelles sont, d’après votre expérience et vos connaissances, les précautions particulières à prendre par rapport aux pratiques de chamanisme ? Quels peuvent être les risques ?

JYB : Il existe de vraies différences de pratiques chamaniques selon les traditions.

Certains chamanismes passent par l’incorporation des Esprits, comme dans les traditions sibériennes. Cette pratique nécessite énormément d’énergie. Cela ne s’improvise pas. D’autres chamanismes n’incorporent pas les Esprits.

Les curanderos andins (guérisseurs) consomment des Plantes enseignantes. Ces Esprits très anciens demandent beaucoup d’attention et de considération. Elles peuvent être dangereuses si elles sont ingérées par des personnes dont l’équilibre psychologique n’est pas suffisamment stable, ou si le mental est hypertrophié.

Dans chaque tradition chamanique, les risques pour les Occidentaux sont réels et particulièrement importants. Et le tourisme chamanique se transforme parfois en drame humain. La notion de responsabilité de chacun est essentielle.

 

AC : Votre ouvrage est construit comme un puzzle dont la cohérence complète apparait au fur et à mesure de la lecture. Cela correspond aux marqueurs des récits oraux, des mythes et des rêves. En quoi était-ce si important pour vous d’insister sur ce type de narration ?

JYB : L’homme occidental pense en termes de visions et d’intentions. Lorsqu’il reçoit une information, il se focalise sur son utilité, ce qu’il va en faire et comment cela lui va lui servir.

Mais lorsque l’on part des autres dimensions du vivant, là où le Tao décrit un monde en neuf dimensions, on peut recevoir des réponses avant même d’avoir posé des questions. C’est une autre manière de se raccorder au grand puzzle dont je parlais précédemment.

J’insiste donc sur le fait d’accepter que la vie soit un puzzle, sans connaitre la trame complète qui se profile devant soi.

Les événements se déroulent à la fois dans notre espace-temps et simultanément en dehors. Ils sont sur plusieurs dimensions.

…Tout comme il existe une multitude d’histoires retraçant l’apparition du monde. Parce que l’Esprit est à la fois un et multiple, les mythes préservent une pluralité de pensée. C’est donc cohérent pour un même Peuple des Andes par exemple de se dire à la fois issu de la Terre-Mère, de se rappeler que toutes les créatures ont pour origine l’eau, de se dire fils et filles du Soleil et d’invoquer sa parenté avec les Etoiles.

Et puis, quelles que soient les traditions chamaniques que j’ai pu rencontrer, j’ai toujours entendu les chamans parler le même langage, celui de la poésie.

C’est tout cela que j’ai voulu intégrer dans l’écriture.

 

Éléments de biographie : C’est vers l’âge de 9 ans que Jean-Yves Bourré découvre la spiritualité. Mais c’est bien en 1981, à l’âge de 23 ans et suite à une série de rêves, qu’il deviendra ce que les natifs appellent un « rêveur de Tonnerre ». Depuis, le Rêve est devenu sa vie et il n’aura de cesse de rencontrer des chamans de divers horizons et d’apprendre auprès d’eux. Après l’apprentissage auprès des Natifs d’Amérique du Nord (États-Unis et Canada), il se tourne vers les Andes puis vers le chamanisme de Sibérie avant de partir à la découverte des Plantes sacrées.

Jean-Yves Bourré, « Chamanisme, Animisme : Comment retourner aux sources du chamanisme ? », éditions Vega (Trédaniel), 2021.

Son site : www.ethno-passion.fr

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