Focus RH, c’est l’actualité consacrée aux ressources humaines et e-recrutement. Merci à Frédérique Guénot de nos échanges! L’interview publiée le 7 avril 2021 est accessible sur le site de Focus RH, rubrique « mobilité interne, fidélisation des salariés »; la retranscription complète ci-dessous.

L’avenir est aux métiers hybrides

Touche à tout, slashers, créateurs de leur propre job… Une nouvelle frange d’actifs s’impose sur le marché du travail. Elle se caractérise par son job « hybride« , du latin « hybrida » qui signifie « de sang-mêlé » (« être vivant issu du croisement d’espèces différentes« ). Une étymologie qui ne pouvait qu’attiser la curiosité de l’anthropologue Audrey Chapot*. Rencontre.

Qu’est-ce qu’un métier hybride ?

Il s’agit d’une activité professionnelle créée de toutes pièces à partir de plusieurs disciplines a priori distinctes. Elle constitue un tout cohérent permettant d’en vivre, de s’épanouir et de contribuer à la communauté. Ce n’est pas une option par dépit, mais un choix qui fait sens. Ce n’est pas non plus un phénomène de mode pour une minorité décalée, mais bien un élément constitutif d’une société « en bonne santé »

Tous les secteurs, tous les métiers sont-ils concernés ?

Oui. Les postes à dominante technique peuvent s’inspirer du biomimétisme en observant le mouvement d’ouverture de fleurs pour concevoir leurs projets. La robotique s’inspire beaucoup des phénomènes naturels pour déployer des solutions innovantes. Même chose pour le management, revisitable à l’aune de l’organisation du monde animal, par exemple. Aller vers l’hybridation suppose de promouvoir l’interdisciplinarité, de sortir du conformisme des métiers traditionnels pour faire naître de nouvelles fonctions. Il faut vouloir sortir du cadre, avoir confiance en ses collaborateurs, leur permettre de faire évoluer leur poste et leurs modalités de travail en insufflant de nouvelles sources d’inspiration issues, entres autres, des arts et des loisirs…

Les entreprises sont-elles prêtes ?

Certaines cultures d’entreprises sont plus adaptées, notamment celles possédant une gouvernance souple. Mais toutes sont concernées par cette mutation, car le mode de fonctionnement dominant s’essouffle. Devant les difficultés de recrutement, les burn-out et le désengagement, les entreprises doivent revoir leur stratégie.

Vous parlez d’une « mutation anthropologique majeure »…

Oui. Notre modèle est à bout de souffle, les repères changent. Qu’elles soient écologiques, économiques, sociétales ou encore politiques, les normes évoluent, accélérées par l’effet Covid-19. Au niveau RH, de nombreuses transformations se sont imposées en moins d’une année : le management, les modalités de travail, la mobilité géographique des salariés… Les temps et lieux de travail ont éclaté, les habitudes remises en question. Face à cela, la jeune génération attend un management plus ouvert, des missions qui font sens. L’hybridation des métiers s’offre alors comme une solution pour accompagner une évolution inéluctable.

Comment insuffler de l’hybridation dans les métiers ?

La norme actuelle de l’activité professionnelle unique est une idée récente et déjà caduque ! L’être humain est un touche-à-tout. C’est un mode de fonctionnement naturel que nous avons oublié. Cela ne se fera pas en quelques jours, et ce sera peut-être plus simple pour les petites structures, mais les entreprises n’auront pas le choix que d’aller dans ce sens. Elles doivent désormais rétablir une complémentarité féconde entre spécialistes et touche-à-tout.

Quel sera le rôle de la DRH ?

Il sera central car c’est elle qui recrute ces profils hybrides, qui encourage à sortir du cadre tout en favorisant la diversité des parcours et des personnalités. La DRH peut aussi être facilitatrice ! Comme à son habitude, elle va devoir oser davantage mais, surtout, convaincre la direction de la nécessité d’intégrer plus de profils atypiques.

Propos recueillis par Frédérique Guénot

  1. * Auteure de l’ouvrage « Eloge des métiers hybrides«  paru en mars 2021.

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